Ruée vers le fer annoncé!
Mines et projets de fer au Québec
Denis Blackburn et Denis Raymond
Direction générale du développement de l'industrie minérale
Le fer est le métal le plus utilisé dans le monde. Il sert principalement à l’élaboration de différents types d’acier, ce qui le rend essentiel pour toutes les sociétés industrialisées. La Chine, le Brésil et l’Australie sont les principaux producteurs de ce minerai. Le Canada, qui a enregistré des expéditions de 2,5 G$ en 2008, est un petit producteur à l’échelle mondiale (tableau 1). Le Québec contribue pour un peu plus de 40 % à cette production. C’est essentiellement le long de la frontière Québec-Labrador que se fait la production canadienne. Au Québec, la mine Mont-Wright produit du concentré de fer et des boulettes en traitant de l’hématite spéculaire aussi appelée spécularite. |
Tableau 1
Production de fer en 2008
Monde 2 |
Canada 1 |
Québec 1 |
Québec/Canada |
Québec/Monde |
2200 Mt |
32,1 Mt |
13,4 Mt |
42 % |
0,60 % |
1 : Ressources naturelles Canada 2 : USGS Mineral Commodities Summaries 2010 |
Le développement économique spectaculaire des pays émergents (Chine et Inde, notamment) a fait bondir la demande et le prix des produits du fer, concentré et boulettes. Alors qu’ils se vendaient 20 $ la tonne au début des années 2000, ils se vendent aujourd’hui six fois plus cher, soit 120 $ la tonne. Cela a entraîné une augmentation des efforts d’exploration, de mise en valeur et d’exploitation au Québec (voir carte).
Les gisements de fer d’un point de vue géologique
La majorité des gisements de fer exploités dans le monde sont stratiformes. Il s’agit de roches sédimentaires d’origine chimique finement litées ou laminées. Deux types de gisement sont connus : le type Lac Supérieur, de sédimentation sur la plateforme continentale du Paléoprotérozoïque (2,3 à 1,9 Ga), qui représente 90 % des gisements, et le type Algoma, associé à un environnement volcano-sédimentaire surtout à l’Archéen (3,4 à 2,6 Ga). Le rubanement est présent à toutes les échelles et des lits riches en oxydes de fer alternent avec des lits siliceux, carbonatés ou sulfurés.
La Fosse du Labrador, qui s’étend sur plus de 1 000 km, renferme une concentration exceptionnelle de gisements des deux types.
Les formations de fer Lac Supérieur se subdivisent en taconite et méta-taconite. Les taconites sont des sédiments ferrifères lités composés de magnétite fine et d’hématite en alternance avec des lits riches en silice (chert, jaspe). Le métamorphisme et l’altération de surface sont peu développés. Les dépôts sont souvent tabulaires, de grande continuité latérale et de taille colossale (1-100 Gt). La teneur en fer des gisements les plus riches au monde peut atteindre jusqu’à 65 %.
Les formations de fer Lac Supérieur qui ont subi un fort métamorphisme sont appelées des méta-taconites. Elles sont principalement composées de magnétite et de spécularite. Le métamorphisme et les plissements ont permis la concentration de bandes ferrifères, des changements minéralogiques et une augmentation de granulométrie. Les dépôts plissés à spécularite-quartz à grains moyens et grossiers du secteur de Mont-Wright en sont des exemples.
Les formations de fer Algoma montrent moins de continuité latérale et sont associées à des alternances de sédiments clastiques et des roches volcaniques. La teneur en fer des dépôts est de 20 à 40 %. La répétition de couches de minerai (surtout de la magnétite) et le métamorphisme peuvent en favoriser l’exploitation. Au Québec, le projet d’exploration Attikamagen, non loin de Schefferville, en est un exemple.
Tableau 2
Minéraux de fer exploités commercialement
Minéral |
Composition |
Teneur en fer (%) |
Hématite (spécularite) |
Fe2O3 |
69,9 |
Magnétite |
Fe3O4 |
72,4 |
Goethite |
Fe2O3.nH2O |
63 |
Limonite |
Fe2O3.nH2O |
50 - 66 |
Sidérite |
FeCO3 |
48 |
D’autres types de gisements contenant du fer
Le fer, surtout sous forme de magnétite, est présent dans de nombreux autres types de gîtes minéraux. La magnétite peut être vanadifère (V) ou associée à l’ilménite (Ti), à l’apatite (P) ou à la chromite (Cr). Le fer n’est généralement pas l’élément économique recherché et exploité dans ces types de gisement. Les complexes mafiques et les anorthosites de la Côte-Nord, du Lac-Saint-Jean et de Matagami en sont des exemples. Dans ce contexte, la mine du lac Tio (titane) sur la Côte-Nord est la seule qui exploite aussi le fer au Québec. Plusieurs dépôts de magnétite font l’objet de travaux ayant pour but d’évaluer la possibilité d’une production de concentré de magnétite avec ou sans valorisation du vanadium ou du titane. Deux projets en exploration (Lac à Paul et Lac Arnaud) ont pour objectif de produire du phosphate. Les principaux projets de ces différents types sont également présentés sur la carte.
Traitement du minerai : production du concentré et des boulettes de fer
Le marché recherche des produits (concentré et boulettes) qui contiennent plus de 60 % de fer. Le minerai extrait au Québec possède une teneur en fer d’environ 30 %. Le minerai doit donc subir un traitement pour atteindre une teneur commercialisable. En moyenne, il faut traiter 2,5 tonnes de minerai pour extraire une tonne de concentré de fer. Ce traitement se fait en deux étapes distinctes : la libération et la séparation des grains de fer.
La libération : Dans le minerai, les grains de fer (spécularite, magnétite) sont soudés à d’autres minéraux comme la silice, par exemple. Le concassage et le broyage permettent de dessouder les différents constituants les uns des autres, de les libérer. Dans le cas de la spécularite, le minerai doit être broyé jusqu’à une taille d’environ un millimètre pour assurer sa libération. La magnétite peut demander un broyage beaucoup plus fin, pour atteindre une taille de quelques dizaines de microns.
La séparation par gravimétrie : Les grains de fer (spécularite, magnétite) sont plus lourds que ceux de silice. On peut utiliser cette différence de poids (gravimétrie) pour séparer le fer de la silice. L’outil retenu pour faire ce travail est une spirale. Une spirale fonctionne exactement comme un glissade d’eau dans un parc d’amusement. Les grains de fer et de silice sont entraînés par un courant d’eau qui dévale de haut en bas la spirale, comme le baigneur sur sa chambre à air. La silice, plus légère, est entraînée fortement par le mouvement de l’eau tandis que le fer, plus lourd, résiste. Au fur et à mesure de la descente, une séparation se produit entre les grains lourds (fer) et les grains légers (silice).
La séparation par magnétisme : La magnétite peut être séparée des autres constituants en utilisant son magnétisme naturel. Le minerai broyé circule près d’un aimant (séparateur magnétique), la magnétite colle à l’aimant alors que la silice et les autres constituants poursuivent leur chemin sans être influencés par le champ magnétique.
Boulettes : Pour certaines applications métallurgiques, le concentré de fer est trop fin (grains de ≤1 mm). Il faut alors agglomérer le concentré sous forme de boulettes d’environ 1 cm. Une boulette est donc un assemblage de grains de fer retenus par un liant. La boulette subit un traitement thermique (fusion locale ou frittage) pour améliorer ses propriétés mécaniques.
Direct Shipping Ore (DSO) : Un certain nombre de gisements de fer, tous regroupés dans la région de Schefferville, ont une teneur en fer de près de 60 %. Le minerai présent dans ces gisements, communément appelé DSO, ne requiert pas de traitement. Ces gisements ont été exploités pendant une trentaine d’années (1952–1982). Aujourd’hui, deux sociétés minières s’apprêtent à relancer l’exploitation des DSO.
Mines et projets
Au Québec, deux mines de fer sont en exploitation; le tableau 3 donne les capacités nominales de production de chacune.
Tableau 3
Producteur de concentré et de boulettes de fer au Québec
Mine |
Société |
Localisation |
Concentré (Mt) |
Boulettes (Mt) |
Lac Bloom |
CTIM |
Fermont |
8 |
0 |
Mont Wright |
AMMC |
Fermont |
15 |
9 |
Le tableau 4 présente les projets en cours et le type de minéralisation associé à chacun. Seuls les projets ayant pour but principal la production de concentré de fer y sont indiqués.
Tableau 4
Projets en cours
Projet |
Société |
Statut |
Type |
|
Fire Lake |
ArcelorMittal Mines Canada |
Mise en valeur |
méta-taconite (spec.) |
|
DSO |
New Millennium Capital Corp. |
Mise en valeur |
taconite (hem.) |
|
Lac Otelnuk |
Adriana Resources inc. |
Exploration |
taconite (mag.) |
|
KéMag |
New Millennium Capital Corp. |
Mise en valeur |
taconite (mag.) |
|
Attikamagen |
Champion Minerals inc. |
Exploration |
taconite (mag.) |
|
Fermont |
Champion Minerals inc. |
Exploration |
méta-taconite (spec.) |
|
Lamêlée-Peppler |
Consolidated Thompson Iron Mines |
Exploration |
méta-taconite (spec.) |
|
Mont Reed |
ArcelorMittal Mines Canada |
Exploration |
méta-taconite (spec.) |
|
Great Whale Iron |
Niocan inc. |
Exploration |
taconite (mag.) |
|
Duncan |
Ressources minières Augyva |
Exploration |
taconite (mag.) |
L’industrie du fer connaît un regain de vie !
Les prix des produits du fer ont littéralement explosés au cours de la dernière décennie, passant de 20 $ la tonne de concentré au début des années 2000 à 120 $ en 2010. Les spécialistes prévoient que la demande se maintiendra au cours des cinq prochaines années pour les produits du fer. Le contexte est donc favorable pour l’exploitation de nouvelles mines de fer au Québec. La mise en exploitation de la mine du lac Bloom et le redémarrage annoncé des mines de fer près de Schefferville (DSO) sont des signes évidents du dynamisme du marché du fer au Québec.